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- Publication : 9 novembre 2010
L'influence de l'Ecole Française.
Après ce regard sur la méditation de Michel Garicoïts, il nous reste à découvrir où il a puisé son inspiration en ce XIXème siècle infesté par le jansénisme : cette doctrine qui insistait sur la Justice de Dieu et sa grandeur souveraine. C'est autour de 1830 que M. Garicoïts, éduqué dans la crainte de Dieu par ses parents, rencontre le courant spirituel qui regroupe plusieurs personnages, entre autres Bérulle, François de Sales, Vincent de Paul, Jean Eudes et Bossuet. C'est surtout Bérulle et Bossuet qui le marquent en profondeur.
Longtemps Bérulle, lui-même, ne connaissait que la grandeur souveraine de Dieu. C'est la rencontre de Thérèse d'Avila qui lui permit de découvrir la place centrale du Christ dans la prière et la vie chrétienne. Thérèse avait une grande dévotion à l'humanité du Christ et l'Ecole Française répandit cette dévotion. Car Bérulle introduit le Carmel en France, avec Mme Acarie (1565-1618) qui deviendra carmélite ainsi que trois de ses filles. Elle prit le nom de Marie de l'Incarnation (ceux qui viennent à la chapelle de la Maison Saint Michel connaissent le vitrail la représentant), et Bérulle devint l'apôtre du Verbe incarné. Son successeur à l'Oratoire dit de lui : "Il fut envoyé comme nouveau Jean-Baptiste pour montrer Jésus du doigt ... ça a été si j'ose dire son apostolat et sa mission." Son biographe écrit dans le même sens : "Il ne voulait que Jésus-Christ, il ne goûtait que Jésus-Christ : il ne s'occupait et ne s'entretenait que de Jésus-Christ."
Bérulle enseigne que tout l'univers est recentré sur Dieu qui a créé le monde pour y être adoré et loué : l'attitude la plus profonde du Verbe incarné, celle qui le constitue et le fait vivre, c'est le regard vers Dieu. "Il faut premièrement regarder Dieu et non pas soi-même" dit Bérulle. Il voit en Jésus l'adorateur parfait qui résume en lui toute la création - la grandeur de Dieu et la petitesse de la créature - ce que Michel Garicoïts traduira par ces mots : "Dieu tout ! moi, rien."
Puisque l'homme reçoit sa vie et sa consistance du Créateur, il doit consentir à son néant et devenir pure réceptivité de Dieu. Le seul chemin ouvert à l'homme, c'est l'anéantissement comme chemin de retour à Dieu : "Plus on se perd en soi, plus on se retrouve en Dieu et dans un bien meilleur état, sanctifié, transformé, divinisé." Le mot "anéantissement" n'a pas ici le sens de destruction, d'effondrement ou de ruine que donne le dictionnaire. Il désigne simplement la reconnaissance de la condition de créature soumise au Créateur, parce qu'aimée du Créateur. Ce mystère d'amour est d'abord et avant tout le mystère du Fils bien-aimé qui se dépouille de son rang céleste - ce que saint Paul appelle la kénose - pour être homme véritablement, en tout semblable à nous, sauf le péché. Le Verbe incarné s'est soumis en tout à son Père, dans une relation filiale, toute d'amour : " Ne saviez-vous pas qu'il me faut être chez mon Père" répond Jésus à ses parents qui lui reprochaient sa disparition au Temple de Jérusalem.
A propos du sacrifice de la Croix, Bérulle insiste sur la dimension d'offrande et de don : la souffrance est assumée dans le don total de soi. C'est ce que souligne les paroles de Jésus aux Apôtres : "Nul n'a de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'il aime" (Jn 15, 13). Le salut de l'humanité n'est pas acquis par la valeur du sacrifice, mais par l'amour fraternel.
Bérulle ajoute ce commentaire : "Dieu a daigné prendre notre nature humaine, vivre au milieu de nous, comme l'un de nous, comme un enfant, comme un pauvre, comme un juste opprimé dans toutes les situations les plus touchantes, les plus propres à gagner notre coeur." ... Michel Garicoïts exprime son admiration : "Quel anéantissement : Dieu-Homme ! Mais quelle élévation : l'Homme -Dieu !" Et il se plonge dans le mystère de ce Dieu anéanti qui ne lui parut jamais plus adorable que dans ses abaissements inouïs. L'humanité du Christ anéantie et totalement consacrée à Dieu est une proclamation vivante que Dieu est tout et que la créature n'est rien si elle ne reconnaît pas la relation à Dieu. En Jésus, Dieu vient agir en homme pour que l'homme apprenne à agir en Dieu. C'est ce que dit saint Augustin : "Dieu s'est fait homme, afin que marchant à la suite d'un homme, ce que nous pouvions, nous arrivions jusqu'à Dieu, ce que nous ne pouvions pas."
Vers 1830, M. Garicoïts découvre Bossuet. C'est comme un coup de foudre spirituel : "Bossuet devient le compagnon inséparable de ses nuits jusq'à sa mort." (P. Duvignau) Il lit toutes ses oeuvres, la plume à la main ; il en assimile la doctrine jusqu'aux formules : on a relevé plus de cent emprunts. Voici le passage d'un manuscrit qui reprend le Premier sermon de l'Annonciation : "Dieu a pris en Jésus la forme de la nature humaine qui l'oblige à être sujet. Plus, il a pris la forme de l'homme pécheur, il est devenu la victime publique pour les pécheurs ... Non content de dépendre de Dieu, il se livre à la volonté des hommes. Que voyons-nous qui sente Dieu en cet enfant soumis à Joseph et à Marie pendant trente ans et pendant les trois années au service de l'Evangile ? Quelques rayons affaiblis par la simplicité des paroles, par le soin qu'il a de ne pas paraître en chef et d'attribuer ses oeuvres à son Père ! O Dieu appauvri ! O Dieu dépouillé ! O Dieu interdit ! Quoi ce Dieu facile, ce Dieu abaissé, ce Dieu populaire, dépouillé, appauvri qui se met à égalité avec nous ? Non je ne vois rien d'impossible. Un Dieu descend et me tend la main. Il n'est que d'oser et d'entreprendre ... Approchons-nous de ce pauvre, de ce dépouillé, de cet interdit. Nous pouvons attendre de lui tout ce qu'on peut espérer d'un Dieu."
L'Ecole Française part d'un constat : nous sommes au XVIIème siècle en plein humanisme, c'est aussi le début de l'ère scientifique. Il faut parler d'abord de l'homme Jésus, car il a une existence historique qui a laissé des traces. C'est à partir de lui qu'il faut remonter à Dieu : "Le Verbe Incarné sera l'essentielle manifestation de Dieu ; en Lui l'incompréhensible se fait ouir, Dieu invisible se fait voir. C'est donc pure illusion de vouloir l'atteindre en dehors de cette manifestation essentielle." (Louis Cognet)
Dans l'Incarnation, Dieu se fait proche. Il reste cependant le Tout-Autre (saint Grégoire de Nazianze) et nous n'avons pas le droit de nous fabriquer un Dieu à notre fantaisie, à notre mesure.